À MOIRANS, LES SUPERMARCHÉS VONT CROÎTRE ET SE MULTIPLIER

La ville de Moirans a délivré un permis de construire un bâtiment commercial à vocation alimentaire de 1 920 m², dont 950 m² de surface de vente, 105 m² de bureaux et 865 m² d’entrepôts.

Ce projet de supermarché a suscité peu de débats. On sait que le président de la Communauté d’agglomération a fait part de son inquiétude parce que le porteur de projet avait annoncé d’autres constructions sans fournir de précisions. On sait aussi que la commune et la communauté d’agglomération veulent la construction d’environ 20 000 m² de surface de vente dans ce quartier de Moirans.

Ce permis de construire est une étape importante dans la mise en œuvre de ce projet de grande zone commerciale.

L’impact sur le commerce de cette zone commerciale dépassera la seule de commune de Moirans. Les centres-villes et tous les commerces de proximité du sud du Pays Voironnais seront encore plus déstabilisés. Voiron même ne sera pas épargnée et pourtant, curieusement, la future grande zone commerciale de Moirans n’y est pas abordée dans le débat des municipales.

Extrait du dossier de demande de permis de construire

L’enseigne sous lequel il sera exploité n’est pas connue : le bâtiment sera construit par les propriétaires du terrain. Est-ce pour cela que la surface de vente représente moins de la moitié de la surface du bâtiment ? Est-il rentable d’avoir des réserves aussi importantes ? Combien de temps avant que l’exploitant ne demande une extension de la surface de vente par réutilisation d’une partie des réserves ?

Petit supermarché deviendra grand !

Rappelons-nous que ce projet fait suite à l’abandon de création d’un hypermarché Leclerc après la décision de la cour administrative d’appel de Lyon annulant l’autorisation commerciale accordée par la commission nationale d’aménagement commercial pour un motif un peu plus compliqué que celui avancé par le promoteur actuel : « après des années de recours juridiques parce que les travaux du parking de la gare n’était pas réalisé et que les constructions d’habitations non encore démarrées ». La réalisation du parking était antérieure à la décision d’annulation. Les constructions n’ont pas vraiment commencé comme nous l’avons écrit. Et c’est à tort que le promoteur écrit dans son dossier à la CDAC « un nouveau quartier se créé avec des constructions d’habitations pour plus de 500 habitants de plus sont attendus sous 3 ans (Constructions en cours dont la Résidence Impériale du promoteur TRIGNAT plus celui de l’Opac 38) » car les logements Trignat seront construit dans un autre quartier (la friche SADAC). Enfin, il n’est évidemment pas prévu d’école dans ce quartier, contrairement à ce qui est prétendu .

Qui décide quoi ?

Les projets de création d’une surface commerciale de moins de 1 000 m² ne sont pas soumis à l’avis préalable de la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC). Mais l’EPSCoT (l’établissement public en charge du schéma de cohérence territoriale) peut demander que le dossier soit examiné par la CDAC. C’est ce qui a été fait dans cette affaire.

La CDAC a émis un avis favorable quasi unanime. Seul le président de la Communauté d’agglomération s’est abstenu parce que la CDAC n’était saisie que sur la construction d’un bâtiment alors que le promoteur a le projet d’en construire d’autres à cet endroit.

C’est le maire qui a accordé le permis de construire.

Le « quartier gare » de Moirans, dans lequel l’implantation doit avoir lieu, fait l’objet d’une « orientation d’aménagement et de programmation » au sein du Plan local d’urbanisme (PLU). Le 25 septembre 2018, le conseil communautaire avait décidé « d’engager l’aménagement du quartier de la gare de Moirans dans le cadre de l’exercice de la compétence opérations d’aménagement structurantes ». Cette opération sera largement déficitaire.

La communauté d’agglomération a donc été consultée pour avis sur le projet de permis de construire. Le vice-président à l’aménagement (Anthony Moreau, également conseiller municipal de Voiron, délégué au suivi des grands projets d’aménagement) a répondu le 3 février 2020 en évoquant des problèmes avec le tracé de la voirie de desserte, qualifiée de « privée ».

Malgré le problème de voirie, le vice-président n’a pas émis d’avis défavorable.

Quand on regarde le dessin qui se trouve dans le dossier de demande de permis de construire, on voit une rue d’accès qui forme un angle de 45° avec la rue Vincent Martin quand on vient de la RD 1085 et donc de 135° quand on vient depuis la gare. Le permis de construire a été accordé en l’état mais avec une demande de retravailler le tracé avec la commune et la Communauté d’agglomération (qui veut un embranchement perpendiculaire). Pourquoi ne pas avoir subordonné l’octroi du permis à la production d’un plan conforme à cette prescription issue du PLU ?

La voirie projetée (environ 100 mètres) ne comprend pas de pistes cyclables mais c’est conforme au PLU : la vitesse maximale de cette future « voie structurante interne » devra donc être limitée à 30 km/h.

Pour l’essentiel de son tracé, la voie curieusement qualifiée de privée dans l’avis de la CAPV reprend celui d’une voie publique inscrite au PLU (emplacement réservé n°7). Si le promoteur rectifie le tracé pour un embranchement perpendiculaire à la rue Vincent Martin, il sera intégralement sur le tracé de la voie publique. C’est à la commune (ou éventuellement à la Communauté d’agglomération, dans le cadre d’une convention de délégation de maîtrise d’ouvrage) de réaliser la voirie publique, dans le respect du code des marchés publics, pas au constructeur du supermarché.

Des accès idéalisés qui ne parviennent pas à masquer le tout voiture

Comme la surface de vente est inférieure à 1 000 m², la surface des aires de stationnement n’est pas plafonnée. À partir de 1 000 m², la surface des aires de stationnement (pas seulement la surface des places mais aussi les voiries internes et les cheminements piétons d’accès aux places) est limitée à 75 % de la surface de plancher du bâti. Par contre, ils devaient intégrer « des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols. » (article L111-19 du code de l’urbanisme). Voilà pourquoi l’aire de stationnement comprendra 32 places en surface perméable engazonnée.

Le PLU exige 1 place de stationnement pour 50 m² de surface de plancher, c’est à dire 40 places pour ce supermarché.

Au total, il y aura 95 places de stationnement pour 950 m² de surface de vente. Une place pour 10 m² de surface de vente. C’est beaucoup.

Selon le promoteur, 85 % des clients viendront spécialement en voiture.

Et encore, la clientèle piétonne n’est envisagée que si le quartier est construit, ce qui n’est pas acquis.

Il est heureux pour lui que le promoteur n’attende pas grand-chose de la clientèle qui pourrait venir en bus. Car dans son dossier à la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) il affirme : « Un service d’autocars relie Centr’Alp à la gare SNCF de Moirans. Cette navette qui correspond avec tous les trains TER dessert également le Lycée Pierre Béghin. »

Ce service n’existe pas avec cette fréquence : la ligne 20 du Pays Voironnais dessert la gare en début de matinée dans le sens Moirans-Centr’Alp et l’après-midi dans l’autre sens. Quant à la ligne Transisère, elle n’a pas une grande fréquence.

Il semble bien que la quasi-totalité des clients viendront en voiture.

Des espaces verts ou des réserves foncières ?

Le promoteur écrit à la CDAC : « La surface de l’espace vert restant est de 23 802 m2 représentant actuellement 76 % de l’unité. Il y sera planté 40 arbres d’une essence locale représentant 1 arbre pour 4 places de parkings créées. »

Effectivement, le PLU oblige à planter 1 arbre pour 4 places de stationnement extérieures créées. Les plantations doivent être regroupées en bosquets.

Avec 95 places, l’obligation est donc de 24 arbres (visibles sur le plan). Le promoteur va plus loin avec 16 arbres de plus à planter sur les presque 24 000 m² d’espaces verts. On est loin, très loin de la jungle amazonienne.

Et si l’on se souvient qu’il y avait sur ce site un bosquet de plus d’un demi-hectare défriché pour permettre la création du projet Leclerc, on peut parler de disparition du couvert boisé.

Sur cet extrait (à gauche) de la carte annexée à l’avis de l’association syndicale de gestion des cours d’eau de Voreppe à Moirans, on voit bien la trace du boisement.

La photo (à droite) montre ce qu’est devenu le bosquet.

Comme l’écrit le promoteur dans le dossier de présentation à la CDAC : « Cette construction participera à améliorer l’aménagement du territoire et sera en conformité avec les orientations prévues par le Scot sachant qu’aujourd’hui le terrain n’est qu’une plateforme caillouteuse de 3 hectares qui ne donne pas une image très valorisante du secteur. »

Une plateforme caillouteuse à cet endroit, en effet, pour que le bosquet ne repousse pas.

En fait, ce que le dossier nomme « espaces verts » devrait plutôt être qualifié de réserve foncière.

Car le promoteur a d’autres projets sur son terrain, ce qu’avait relevé le président de la CAPV (et c’est ce qui avait motivé son abstention en CDAC).

D‘autres commerces à venir

Dans son dossier à la CDAC, le promoteur écrit : « C’est un projet qui a pour vocation à évoluer dans le temps avec un phasage pour atteindre les droits approuvés par la SCOT dans le cadre du classement desdits terrains en ZACOM 1 soit moins de 2 500 m² en alimentaire et moins de 2 500 m² en non-alimentaire. »

On imagine bien que s‘il en avait été autrement, les propriétaires auraient scindé leur parcelle pour ne garder que la surface utile au supermarché.

Ouvrir d’autres commerces à côté permettra d’augmenter l’attractivité du supermarché qui vient d’être autorisé. En tous cas, on sait ce que veulent les propriétaires de ce terrain.

Ce projet de supermarché n’est qu’un premier bâtiment qui en appellera d’autres. Il s’inscrit dans le cadre de la création d’une vaste zone commerciale périphérique à Moirans. Cette zone commerciale aura des impacts sur les commerces de toute la partie sud du Pays Voironnais.

Pour accéder à la version PDF de l’article : À Moirans les supermarchés vont croître et se multiplier

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